La science rattrape-t-elle la pnl ?

Par Alain Thiry

Article paru dans le journal « Métaphore » de la Fédération des associations francophones de PNL, n° 63, déc 2011.

Nous savons tous, nous PNListes, que nous n’avons pas fait (ou du moins pas suffisamment)(1) de recherches scientifiques pour prouver la crédibilité de nos modèles. Nous nous satisfaisons d’une vérification pragmatique(2), c’est-à-dire avant tout basée sur l’efficacité de la pratique. On sait que « ça » marche, nos clients savent que « ça » marche, mais on ne l’a pas prouvé au sens scientifique.

Nous avons tous entendu ces critiques des scientifiques qui nous reprochent cela. C’est leur droit. Dommage qu’ils confondent « pas prouvé » avec « erroné ». Une petite recherche sur internet nous donne facilement des critiques scandalisées sur, par exemple, notre modèle de la synchronisation. Ou bien parce que ce serait faux, ou bien parce que ce serait de la manipulation, ce qui prouve pour ces détracteurs qu’il faudrait empêcher les PNListes de travailler.

Par ailleurs, Roderick Swaab et son équipe (chercheur à l’INSEAD(3) de Fontainebleau) viennent de mettre en évidence(4) la corrélation entre l’imitation du langage de notre interlocuteur pendant les dix premières minutes d’une négociation et le fait d’obtenir plus à la fin de celle-ci. Ce mimétisme favorise l’empathie et un sentiment de ressemblance, ce qui facilite la négociation. ça y est ! Rogers(5) est prouvé scientifiquement. La PNL reprenait cette idée depuis 35 ans. Maintenant, on a le droit de l’utiliser. Cela fait plaisir d’apprendre qu’on ne s’était pas trompé pendant tout ce temps. Merci la science. Et pour la synchronisation non- verbale, il faut attendre encore combien de décennies avant que les scientifiques nous donnent l’autorisation de l’utiliser ? Et pour tous nos autres modèles ?

Non, la science n’est pas prête à rattraper la PNL. Nous devrons donc probablement utiliser notre belle PNL sans l’assentiment des scientifiques pendant encore un bon bout de temps. Ceux-ci voudraient que nous nous chargions nous-mêmes de la validation scientifique de nos modèles. Devrions-nous nous lancer dans cette voie qui sera chronophage ? Pas si sûr. Les détracteurs auront de toute façon toujours besoin de « désaccorder », de chercher à critiquer. D’ailleurs, il existe déjà certaines recherches respectant des critères de validation scientifique. Mais les détracteurs agissent comme si celles-ci n’existaient pas. Alors… Et puis pourquoi la PNL devrait-elle être prouvée scientifiquement alors qu’on ne demande pas cela aux 399 autres techniques de psychothérapies ? Soi-disant parce qu’on a choisi un nom pseudo-scientifique. C’est juste un nom. Bien sûr, il aurait mieux valu prendre le nom d’« Apprentissage Cognitivo-Emotionnel »(6) ou plutôt quelque chose qui n’a pas de sens. Cette critique est puérile. La PNL devrait-elle continuer à se construire en fonction de ses détracteurs ? Pas forcément, à mon sens.

Néanmoins, cela ne ferait pas de mal d’ajouter un peu de validation dans nos modélisations. Comme le rappelle Claude Marti(7), il faut distinguer la scientificité par la PNL de la scientificité dans la PNL. Celle liée à notre méthodologie de modélisation et celle des modèles formalisés. La première semble être déjà ce qui se fait de plus méthodique(8) actuellement dans la modélisation de l’expérience subjective.(9) Par contre, les modèles construits par la PNL ne sont que peu(10) validés par une procédure respectant les critères scientifiques. Il nous faudrait pour cela réaliser des expérimentations randomisées(11) en double aveugle.(12) Mais celles-ci ne sont pas faciles à mettre en œuvre et nécessitent beaucoup de temps et de moyens. Bref, ce dont nous manquons tous.

D’un autre côté, nous pourrions au moins cesser d’utiliser des références scientifiques de manière erronée. Oui, chers collègues, nous avons cette fâcheuse tendance
à citer des théories en en dénaturant le contexte, le sens, les modalités, la conclusion… Pas de manière intentionnelle, mais plutôt par manque de rigueur. Et cela irrite au plus haut point les scientifiques qui se sentent probablement « récupérés » voire trahis. Nous pourrions faire notre propre bêtisier. Nous pourrions ensuite en rire, c’est-à-dire la première étape dans un changement vers… un peu plus de crédibilité.

Je ne pense pas que la PNL doive se construire sur une logique académique. Elle y perdrait à mon sens son âme, c’est-à-dire son sens de l’émerveillement vis-à-vis d’autrui, son ouverture… Je ne crois pas non plus que les critiques idiotes ou fondées sur la rumeur cessent quoi qu’on fasse. Par contre, je pense que nous devrions tenir compte de 3 points et d’en faire des objectifs personnels :

  1. Reconnaître publiquement que la PNL n’est pas scientifique pour l’instant.
  2. Ne plus citer des expériences scientifiques en en dénaturant le sens.
  3. Chaque acteur majeur de la PNL pourrait produire dans les 5 ans une recherche randomisée en double aveugle.

La crédibilité, cela se mérite. Vous, vous prenez quoi ? Le premier ou les 2 premiers ? Pour certains, le 3e en plus ? ça, c’est l’effet communauté.

À nous de montrer qu’on peut relever ce défi.

Notes en bas de page :

  1. Une recherche scientifique nécessite de respecter des critères très précis pour pouvoir valider une hypothèse, comme par exemple, un échantillonnage choisi aléatoirement, un groupe témoin, des statistiques précises…
  2. Le pragmatisme est un courant philosophique qui représente d’abord une méthode de pensée et d’appréhension des idées qui s’oppose aux conceptions cartésiennes et rationalistes sans renoncer à la logique. (sources : Wikipédia/Pragmatisme).
  3. INSEAD – Institut européen d’administration des affaires.
  4. Décrit dans la revue bimensuelle « Cerveau & Psycho » de mars 2011 p 10.
  5. Carl Rogers a développé l’idée de reformuler ce que dit le patient en réutilisant ses propres mots ou expressions pour favoriser la qualité de la relation.
  6. Programmation = les automatismes de notre pensée = apprentissage. Neuro – nous ne connaissons rien en neurologie, et cela ne nous intéresse d’ailleurs pas vraiment. Non, nous ne nous intéressons qu’à ce qui se passe dans notre pensée subjective, donc au cognitif et à l’impact sur nos émotions. Linguistique? Pas vraiment de la linguistique, mais plutôt des outils « verbaux », langagiers, surtout pour leurs impacts sur les représentations mentales (cognitif) et émotionnelles.
  7. Professeur émérite de physique et maître praticien en PNL, in La PNL en débat – sous la direction de Monique Esser.
  8. « Je dirais volontiers que la PNL contient dès le départ une psychologie plus scientifique que celles associées aux autres psychothérapies. Évidemment la psychologie expérimentale classique est rigoureuse aussi, mais la PNL s’aventure sur un terrain autrement plus délicat pour une démarche expérimentale, celui de la subjectivité » explique Claude Marti – « PNL et scientificité », in Monique Esser, 2004, chapitre 3, p. 124.
  9. En PNL, nous ne prétendons pas décrire l’expérience neurologique objective d’un patient. Cela ne nous intéresse pas, puisqu’elle ne nous serait d’aucun secours pour aider un patient en psychothérapie. En PNL, nous essayons d’aider un patient (c’est encore lui qui décide) à modifier sa façon de voir les choses, sa manière subjective de comprendre ce qui se passe dans sa vie. En cela, Bandler définissait la PNL comme l’étude du fonctionnement subjectif de la pensée.
  10. « Peu » ne veut pas dire « pas ». Un certain nombre de recherches existent.
  11. Choix aléatoire des participants.
  12. Un groupe témoin où on n’utilise pas la PNL et un autre l’utilisant.